vendredi 8 mai 2009

ZOÉ PARLE ET REPARLE

- Allez, on s’en va ! J’en ai marre, Chloé ! On s’en va, je te dis.
- Non, pas encore.
- Pourquoi pourquoi pourquoi ? ? ?
- Parce que c’est comme ça, Zoé. Parce que les champs brûlent sans cesse. Parce que maman est fragile. Parce que…
- Les champs brûleront toujours et maman sera éternellement fragile. Je veux vivre, je veux vivre. Tu m’as vu, m’as tu vu. Je veux rencontrer Clarysse. Et puis Josh. Le kiwi, la mangue, la banane. Je veux que tu me fasses respirer. Vivre, vivre, vivre ! ! !
- Tu m’épuises, Zoé ! Arrête, on reste un petit peu.
- C’est nul !
- C’est comme ça, je te répète.
- C’est nul et c’est comme ça. Allons acheter des fringues !
- D’accord, on va boutiquer. Tu aimes bien ça, boutiquer. Hein, Zoé !
- Des fois oui, des fois non. Des fois oui non. Des fois.
- J’ai déjà écrit cette réplique.
- Je m’en fous. Tu es ma sœur, tu es ma très grande sœur. Je pique et je repique. Ah, oui ! exactement, c’est ça. Ah, oui !
- Hector.
- Pouffe, pouffe, pouffe…
- Maxime.
- La merde de merde ! je t’emmerde !
- Alice.
- T’es qu’une pute ! Je ne t’aime pas. T’es qu’une pute !
- Julie et…
- Clac, clac !
- Zoé.
- On prend la bagnole, on y va. J’aime boutiquer.
- Ok, c’est parti !
- Clac, clac !

Quelques kilomètres avant la moyenne ville. Zoé assise sur le siège mort, Zoé qui regarde, regarde le bout du monde défiler, Zoé qui écarquille des yeux, qui est née, qui laisse l’air s’amuser avec ses cheveux, ses longs et noirs cheveux.
- Wahou !
- Quoi, wahou ?
- Ça file et ça refile ! Est-ce que l’on va mourir ?
- Pourquoi tu me demandes ça ? ! Tout à l’heure, tu voulais vivre. Vivre, vivre, vivre !
- Oui, mais dans l’histoire. L’histoire que tu vas raconter. Est-ce que tu as prévu que l’on meurt?
- Je n’en sais rien, Zoé. Je n’en ai aucune idée. Peut-être. De toute façon, pour l’instant, il n’y a rien d’écrit.
- T’as peur ?
- De quoi ?
- D’écrire. De nous faire vivre. Moi, Clarysse, Jo…
- Comme à chaque fois. J’ai toujours peur et puis après… ça fonce.
- Ça fonce et ça refonce. Tu m’habilles, là, n’est-ce pas ? Tu m’habilles.
- Je te modèle. Je teste des phrases, des mots phrases. Je crée ta personnalité.
- C’est cool, la personnalité. Je boulitte, tu boulittes, nous boulittons. C’est cool, le modelage.
- Pourquoi tu dis souvent des choses sans queue ni tête ? Qu’est-ce que ça veut dire : Je boulitte, tu bou…
- On fait les curieuses. On boulitte. Dans le trou de la serrure, dans la fissure, on jette un œil, on se marre, on fait : « chuttt ! chuuutttt ! ! ! ».
- Ah, oui ? !
- Ah, oui.
- Bien, bien, bien.
- C’est encore loin ?
- On arrive.
- T’as de belles jambes.
- Merci.
- Oh, comme tu as de belles jambes, grande sœur !
- C’est pour mieux te séduire, ma Zoé.
- Et miam et re-miam ! Je veux les mêmes.
- Tu as les mêmes. Plus douces.
- Chouette !
- On y est.

Zoé, dix-sept ans. Zoé dans les boutiques. Zoé mode et puis sexy. Zoé chaleur du corps, Zoé séduction. Et…
- Josh va être fou !
- Tu es très belle.
- Les jupes ça allume mais il ne faut rien mettre dessous. Les jeans sont malins, il faut les choisir bas sur les hanches. Et les tops sont oranges, rouges ou jaune soleil, et les petits seins sont libres, ils pointent et ils repointent. Et les chaussures ?…
- A toi de voir.
- Des baskets et des montantes et des basses. De la toile, croûte de cuir mais pas de talons. Pas de bottes ou des fois, si. Des lanières, c’est pas mal. Ou pieds nus, ou pieds nus.
- Sous-vêtements ?
- Le moins possible. Ca étouffe. Le minimum. Clarysse porte des culottes en coton. Il était un petit navire…
- Comment tu le sais ?
- Quoi ?
- Pour Clarysse.
- Je n’en sais rien. Je t’aide, c’est tout. Clarysse porte des culottes en coton, Josh : des caleçons pas longs et moi : le minimum. Je suis économe, économie. Je pique pas dans ton porte-monnaie. Économe, économie. Je suis sérieuse, oh oui ! Très très sérieuse.
- Tu parles !
- Toi aussi. Tu parles et tu reparles. Tu fais « Clac, clac ! » avec ta langue et tu es nue sous tes vêtements. Chloé/Zoé vont faire des ravages, ravagées. On continue de boutiquer ?
Jamais aimé une fille aussi violemment.

Manger une gaufre, manger du chocolat, manger une gaufre au chocolat. Boire de la framboise avec une paille torsadée et bariolée. Boire la bouche en cœur. Lolita, Lolita Gun. Etre au soleil, lunettes mouche, être à découvert, peau cuisses et seins pointus.
Lolita, Lolita Gun.
Et puis SE TIRER !
- Alors, dans pas longtemps, tu me le promets ? Dans pas longtemps, hein Chloé ?
- Après ici, après maman. Dans pas trop longtemps, oui. C’est ma promesse.
- Les champs brûlent, c’est tout un feu. Les champs brûlent jusqu’aux Dieux. Il y en a un, il y en a deux , il y en a plein les cieux. Les champs brûlent. La tarentule mangera mangera la cervelle, le ventre, le miaou et tout le tralala. C’est pas digeste dans mon assiette.
- Ça ne rime plus, Zoé.
- Assiette siette siette, n’aime pas les miettes.

Digeste/peste

Ce matin, maman m’a promis une chose, des faits, des gestes.
C’était SA promesse.
Le feu semble vouloir se calmer, retourner sous la terre.
Zoé se balade dans la maison au bout du monde.
Je la regarde, je regarde maman.
Le ciel a des allures de chaudron d’or.
Je veille.

Chloé Alifax.

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