jeudi 14 mai 2009

Le train passe sur la gorge de mon ennemi

Le train passe sur la gorge de mon ennemi, mais parce que le temps est gris, parce que le temps aigrit, je désespère de me retrouver chez moi. Qu’y aura-t’il là-bas chez moi ? Les fantômes de petites mariées en blanc flairant les aubes sales. Des moutons courant le long des plinthes, courant le long des plaintes. Je suis un homme intempérant. Je suis îvre de maintenant, à jeun d’hier, en jeune de demain. Et pas si jeune, mon dieu pas si jeune. A peine vieux pourtant, juste un soupçon, comme un ogre qui gronde au loin. Pardon je voulais dire un orage qui gronde au loin. Je ne songe plus guère aux ogres, je les aimais enfant mais c’est fini. Je ne songe plus guère aux orgues, je les aimais si grandes quand j’étais si petit et qu’on me voulait enfant de dieu.

Le train passe sur la gorge de mon ennemi, nous aurons nos escarbilles de sang. De ses caillots nous jouerons aux billes. Le train passe dans la gorge, on entend chanter les torrents, l’air est rouge dans les abimes crépus du crépuscule. Nous sortirons de la gorge en remontant vers le col. Et l’on verra la baie. La baie où naissent les anges, où béent les douleurs fossiles, où demeurent ceux qui meurent. Et je dirai merci. Merci de m’avoir aidé. De m’avoir donné demain. De m’avoir gardé les matins.

Mon ennemi, c’est ma faute, désespère de moi. Il meurt longtemps et ne meurt jamais complètement. Il a une gorge de femme et elle a une gorge d’homme. Mon ennemi ne me nomme pas. Il passe sous le couteau du train et m’enterre dans sa plaie comme s’il voulait refermer les lèvres de ma naissance.

Denis Parent

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