mercredi 6 mai 2009

Demain verra son bond

J’ai rêvé que je survolais la savane avec mon fils sur le dos. On était comme des busards au-dessus d’une caravane harcelée par des fauves, essentiellement des lions. Sauf qu’on essayait de protéger les braves rampants, qui, pour la plupart étaient des proches, des amis, des voisins ou des psys. Tu y étais, lecteur, dans cette caravane et tu sentais tourbillonner l’odeur jaune et acre du grand félin. Parfois quand ton voisin, celui qui marchait derrière toi se faisait happer par un des monstres, je tombais en piqué, mon fils cramponné à mes épaules et je lattais la gueule au roi de la jungle. Furieux il tournait la tête et laissait tomber sa proie, mais j’étais déjà remonté à hauteur de cerf-volant. Vu d’en haut, les 350 kilos d’un lion ça pèse rien, son rugissement c’est l’écho du vent dans une conque. Ce sont les fauves de la nuit qui sont redoutables, ceux qu’on ne voit pas, qui glissent d’ombres en ombres dans les tapinois de la chambre. Parfois dans l’insomnie tu entends, dans les infras basses, ronronner ta propre panique. En me réveillant j’ai pensé à ce merveilleux vers de René Char que j’avais tant aimé quand j’avais trente ans et que, depuis, j’avais oublié :
« Aujourd’hui est un fauve, demain verra son bond »

Denis Parent

1 commentaire:

  1. Demain Véra sent bon ?

    Lisant en ce matin grisounet ce beau texte de Denis Parent je pense à cette autre phrase de René Char qui dit : "Celui qui regarde le lion tourner dans sa cage, pourrit dans la mémoire du lion". Quelque chose comme ça. Je cite de mémoire. Bon, ça ne marche pas avec la télévision, mais en même temps c'est de la poésie. Parmi les autres très belles phrases attribuées au poète celle-ci encore : "Arrête ton Char, René, y a des mines tu vas sauter".

    Jérôme Attal.

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