lundi 27 juillet 2009

UN BORDEL DE QUESTIONS

Combien de temps peux-tu rester la tête sous l’eau, narines pincées et yeux clos ? Est-ce que gratter les murs est une solution à ton enfermement ? Dois-tu refuser les fenêtres guillotines et accepter la poussière qui t’envahit ? As-tu jamais vu un sac plastique te fournir de l’oxygène ? Crois-tu en tes parents, à ton enfance, au jardin où les taupes étaient assassinées ? Est-ce qu’un tri est nécessaire dans tes souvenirs retrouvés ? Vomis-tu tes relations sexuelles, ta tendresse, tes émotions galvaudées ? Regardes-tu la corde ? T’intéresse-t-elle ? Le balancement, la légèreté de l’âme, le dernier souffle, y penses-tu ? Est-ce que tu le veux ? Le souhaites ? Tes dents surgissent-elles lorsque tu souris, ris, craches, mords ? Tes phrases se forment-elles à l’envers ? Imagines-tu l’harmonie ? Aspires-tu à un boucan du diable ? Au silence ? Souffres-tu de ta respiration, le soir ? Prends-tu la main de ton ombre, même malade ? L’écrases-tu ? La cajoles-tu ? Est-ce que tu oublies ton reflet quand l’on te propose un miroir ? Les balles sifflantes te font-elles danser ? La dernière sorcière au bûcher, c’était toi ?
Et puis… Le téléphone te rend-il dingue ? L’image parasitée sur l’écran télé ? Les trains, la nuit ? Les escaliers qui s’effritent ? Te laver, manger, boire, te parler ? Acceptes-tu que l’on te reconnaisse ? Le cherches-tu ? As-tu ramassé des feuilles mortes pour les enterrer ? Scié un arbre ? Parcouru un parc afin d’y disparaître ? Est-ce que la foudre est une rage ? Les saisons, l’unique repère pour s’en moquer ? Des courtes lettres, des voix mécaniques, des regards retournés voyagent-ils sous ta peau ? Est-ce que la ponctuation te rassure ? Est-ce que tu as besoin d’une passion, d’un lit inerte, d’un moyen de réflexion ? Est-ce que tu crois à l’intégrité ? Est-ce que tu crois à ce que tu imagines ? Est-ce ton tour, un sursis, la main de l’être qui te force à baisser la tête ? Connais-tu la maison de la folle ?
Qui a pris soin de toi, la dernière fois ?
Qui t’as fait souffrir ?
Qui t’as ignoré, snobé, envoyé au débarras en te tournant le dos ?
La glaise suinte-t-elle de ton appartement ? Tes pistolets sont-ils tous à bouchon ? Joues-tu avec les lames de fond ?
La croyance est-elle une relation sérieuse pour tes pires cauchemars ?
Sais-tu que dans une certaine pièce, dans un certain endroit, il n’y a aucune chance d’en sortir ?
Est-ce que tu vas trouver ça drôle ? Est-ce que tu vas paniquer ? Ou… ou te résigner ?
Y a-t-il un message à dévoiler lorsque les enfants dansent, chantent puis se taisent ?
Y a-t-il plus rien au bout de ton précipice ?
Y a-t-il de la saleté et des empreintes de mains sur des cloisons spongieuses ?
Le lézard riait si fort quand je lui ai arraché la queue. Il riait à en perdre ses écailles.
Il me demandait : « Et tu y crois, et tu y crois ? ? Tu as la maladresse d’y croire ? »
Non, vraiment, est-ce que la dernière sorcière au bûcher, c’était toi ?

Chloé Alifax.

vendredi 10 juillet 2009

Carte postale n°2

La route n'était pas loin. Des fois on entendait passer en grondant un camion, comme un chef de harde, et dont on imaginait qu'il partait pour le levant et, qui sait, le Bosphore. Et quand il avait fini de faire vibrer le monde, revenus de leur effroi, les bruits de l'été recouvraient tout de leurs chuchotements. C'étaient des insectes tièdes, le vent chargé de l'odeur des hautes herbes, les grands arbres dont les feuilles héliotropes scintillaient dans la lumière, c'était un animal furtif, prédateur ou chassé, détalant derrière un talus. Les collines retentissaient de cris d'enfants qui, d'écho en écho, iraient bien jusqu'à la mer. Avec juillet le monde avait vingt ans et se haussait sur la pointe des pieds afin de se régaler de la vision d'un clocher planté dans le tendre vert de la vallée.

Denis Parent

jeudi 9 juillet 2009

Carte postale n°1

Le soir ils allaient en ville boire quelques verres et jouer aux dés. Ils revenaient un peu gris et la fraîcheur de l'eau les saisissait alors qu'ils prenaient un dernier bain de minuit avant de remonter à bord. La nuit était longue, même pour une nuit d'été avec un ciel incurvé piqueté d'étoiles qu'ils regardaient en rêvant jusqu'à ne plus savoir quand commençait leur rêve. Ils avaient prévu de rentrer pour l'automne, mais ils étaient prisonniers du sud, des mers langoureuses où le temps n'a plus de poids. Alors ils oubliaient. Peut-être même qu'ils s'oubliaient.
Denis Parent