lundi 1 juin 2009

RUTABAGA CARLTON

Qui a posé ce requin marteau sur la table ? Qui a posé le commandant Cousteau mort et ce requin marteau en caoutchouc ? Qui a pleuré, chanté, coulé le navire et fait resurgir les lames de fond ? J’ai une fille de six ans, elle s’appelle Nina. Un mari de trente-huit ans et que je nomme Ferdinand. Je suis plus vieille, je suis plus vieille et c’est si bien d’avoir un mari jeune et performant. Une fille six ans et un homme trente-huit, une table, une cuisine, un appartement, voiture, pas de voiture, des jouets en caoutchouc et un commandant de bateau qui s’est fait dessouder. Parfois, Ferdinand joue avec des explosifs. Il imite le canard noir à la télé, le Daffy dingue et parle du nez avec son bec. Il se déguise en ça et puis en d’autres, il dit à Nina : « Quoi d’neuf, docteur ? » mais là, il se goure et ce n’est plus le canard mauvais poil dans ses plumes, c’est le lapin, c’est le lapin, et Nina demande : « Qui mangera qui ? » et Ferdinand se transforme en coyote et bip et re-bip, la souris mexicaine n’est jamais loin.
Je me suis baptisée « Rutabaga Carlton » parce que mon mari me trouve chou ! et que je suis rose, rosée quand il me serre dans ses bras. J’ai les hanches pleines, les fesses toutes rondes, j’ai les yeux bleus et les seins moyens. Je prononce « Ca-fe-tière » au lieu de caf’tière et « Gassse » au lieu de gaz. Ma fille Nina aime buller. Elle bulle dans une tranche horaires. Souvent c’est 16 : 30 – 18 et Ferdinand trafique des explosifs pour faire le pitre, le diable, le sale pirate et tout le tralala. On a une cour, des escaliers, un carreau brisé, des moutons dans les coins. On a un lit puis un matelas, un petit congél et une ca-fe-tière, une voiture, pas de voiture, on a des ailes et puis nos jambes, de l’avenir ? on ne connaît pas. Cette année, à l’école, la photo de groupe n’était pas si mal.
J’ai rencontré Ferdinand dans un café.
Il nageait à la surface, prêt à couler.
Je lui ai jeté une bouée et Nina s’est mise à ramer dans un studio de 20m².
- Bonjour, Nina !
- Bonjour, Ferdinand !
- Bonjour, Nina !
- Bonjour Mar…
aux canards ! On a déménagé dans cet appartement carreau brisé, escaliers, cour et lit matelas.
- Tu es chou ! Tu es rosée et chou !
Je m’appelle donc « Rutabaga, Rutabaga Carlton » et je travaille ici ou là, de telle heure à telle heure, et j’ai quatre ans de plus que Ferdinand, et plein et plein de chiffres de plus que Nina, et je travaille ici ou là pendant qu’il y a de l’explosif, un requin marteau caoutchouteux, commandant Cousteau mort. Qui a fait ça ? Qui a fait ça ?
Dans la cour, il y a un chat, il est tout blanc. L’été, on le tartine de crème sur les oreilles pour ne pas qu’il brûle, qu’il pèle, qu’il devienne coton, coton et qu’il… disparaisse.
Dans la cour il y a un chat, une souris mexicaine, un Daffy dingue, lapin coyote, bip bip et re-bip, de l’explosif.
Vous le croyez ça ?
Vous en riez ou vous en pleurez ?
« Rutabaga » ce n’est pas joli mais c’est chou.
Il y a de l’air dans les cimetières.
J’ai dix euros pour commencer le mois.
A l’explosif, je n’ai pas le choix.
Vous m’en achetez, là ?

Chloé Alifax.

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